Photographe d’architecture, je parle souvent de mes projets, de ma méthode et de mon style. Mais une question revient souvent : d’où vient ton inspiration ? C’est une question simple en apparence, mais la réponse est plus nuancée. Mon rapport à l’inspiration a beaucoup évolué ces dernières années. Aujourd’hui, je m’inspire moins des autres et beaucoup plus des lieux eux-mêmes.
Mes premières inspirations : l’architecture contemporaine internationale
Au début de ma pratique, je regardais beaucoup de photographes américains. Leurs images, souvent produites avec de lourds dispositifs techniques – flashs, diffuseurs, assistants – m’impressionnaient.
Je vibrais alors (et je vibre toujours) pour les grandes signatures de l’architecture contemporaine : Frank Gehry (Guggenheim Bilbao, Fondation Louis Vuitton), Coop Himmelb(l)au (Musée des Confluences à Lyon), Zaha Hadid, Renzo Piano, Frank LLyod Wright, Ieoh Ming Pei, Jean Nouvel et sa Philharmonie de Paris… Tous ces bâtiments m’ont marqué. Photographier de tels projets est grisant : chaque angle, chaque matériau raconte déjà une histoire.
Ce serait mentir que de dire que je ne vibre plus pour ces bâtiments… Comment rester insensibles à ces réalisations ?

L’évolution de mon regard : trouver la beauté dans l’ordinaire
Toutefois, avec le temps, mes inspirations ont évolué. Aujourd’hui, ce qui me fait également vibrer, ce n’est plus uniquement l’exceptionnel, mais aussi le quotidien. Je prends plaisir à découvrir des bâtiments brutalistes en Allemagne, souvent des constructions des années 70. Béton, volumes simples, ambiance rugueuse… Ces architectures, parfois délaissées, ont une force qui me touche.
Aujourd’hui, je ne peux plus voyager sans un appareil avec un objectif à décentrement (propre à mon regard de photographe d’architecture). Partout où je vais, je shoote les bâtiments que je rencontre. D’abord pour moi par réflexe, pour me souvenir que chaque ville a sa propre inspiration, sa propre âme et vibrance. Mais aussi parce que tout bâtiment mérite qu’on s’y attarde avec un regard qui le valorise.
Je travaille aussi avec des architectes qui rénovent et transforment l’existant. C’est une source d’inspiration en soi. Pourquoi construire du neuf à tout prix, alors qu’on peut donner une seconde vie à des bâtiments ? Cette réflexion rejoint mon intérêt pour l’écologie et ma conviction que la photographie peut mettre en valeur une démarche durable.
Créer ma propre inspiration en marchant
Finalement, je ne cherche plus vraiment l’inspiration dans le travail d’autres photographes. Je préfère me la créer moi-même. Quand je me promène, c’est la lumière qui me guide. Une façade, une ombre, un reflet… Je ressens souvent le besoin de sortir mon appareil pour traduire ce que je vois.
Le beau est “facile” à photographier. Un bâtiment prestigieux a déjà été conçu pour séduire, pour marquer.
Non pas que je préfère photographie un type de bâtiment plus qu’un autre …
Mais mon défi est de rendre attractif ce qui, à première vue, paraît quelconque. Là réside toute l’excitation de mon métier. Je tourne autour du bâtiment, je cherche, je reviens à différents moments de la journée. Je chine le bon point de vue. En définitive, je transforme le banal en image forte. Ce que j’aime c’est la particularité, la composition artistique de ces shootings. Je prends beaucoup de plaisir à sortir des points de vue moins formels.
Post-traitement et retouche : des outils d’inspiration technique
Enfin, mon inspiration passe aussi par la technique. Je m’intéresse aux photographes qui travaillent la retouche avancée. Je regarde leurs rendus, j’observe comment ils utilisent la lumière, comment ils intègrent parfois l’humain dans la scène.
Aux États-Unis et en Angleterre, certains posent des modèles, ajoutent une présence humaine. C’est une pratique que je fais peu pour l’instant, mais qui nourrit mon regard.
La retouche, pour moi, n’est pas un maquillage mais un prolongement de la prise de vue. C’est dans cette étape que l’image prend toute sa dimension. Je corrige, j’affine, j’équilibre. C’est aussi là que je continue à apprendre, à explorer, à progresser.
Vivre l’espace plutôt que chercher l’inspiration
En définitive, je ne vais pas chercher l’inspiration. Je la vis. Elle se trouve dans les espaces que je parcours, dans la lumière qui change, dans le rapport entre l’architecture et ceux qui l’habitent. Mon travail consiste à révéler ces instants. À transformer un lieu en image. Et à donner à voir, à travers mes photos, une vision à la fois fidèle et personnelle.

